Bad buzz dans les médias : les Marques doivent-elles être les arbitres ?

Souvenez-vous avant l’été, la sphère médiatique résonnait du retentissant bad buzz Hanouna. Effet collatéral : de nombreuses entreprises, annonceurs du programme, se trouvaient brutalement mises sous les feux des spotlights, haranguées par une foule virulente qui assénait son implacable vérité : « soit tu retires ta pub, soit ça veut dire que toi aussi t’es qu’un salaud (une salope?) d’homophobe » :

Acculés, les annonceurs ne manquèrent pas pour la plupart d’effectuer les choix que la sphère sociale offusquée attendait d’eux. Avant que le régulateur ne s’en mêle enfin en interdisant toute publicité sur TPMP, coupant court à cette partie là des débats.
La semaine dernière, une autre tempête secoua la sphère médiatique, cette fois avec l’immonde affaire Webedia (Harcèlement, menaces : comment jeuxvideo.com est devenu incontrôlable). Et de nouveau, des marques étaient interpellées publiquement à propos de leurs investissements publicitaires (qu’elles ont, j’en suis convaincue, découverts à l’occasion, vive le programmatique), et de nouveau certaines ont réagi en suspendant leurs achats (Harcèlement: après l’appel au boycott de Webedia, Barilla suspend sa campagne de publicité). Quel que soit le point de vue que l’on porte sur le fond de ces affaires, ces 2 cas et quelques conversations m’ont interpellée : veut-on vraiment que les marques jouent du porte-monnaie, se posant de fait en censeurs de l’éthique et de la morale ?…

1ère question : les marques doivent-elles juger leur public ?

On peut se dire qu’Hanouna est vulgaire, grossier, que le personnage est un manipulateur pervers qui humilie ses chroniqueurs et n’a de respect pour personne ; il se trouve qu’en tous cas avant l’été c’était un des programmes en access (pré-soirée) qui avait la meilleure audience. La publicité étant faite pour être vue, un annonceur comme Engie, Kenzo, Peugeot, ou Petit Navire, bref une entreprise qui vend au plus grand nombre, doit-elle refuser d’annoncer dans TPMP car l’animateur n’est pas franchement à son goût ? « Oui », me direz-vous peut-être (et d’ailleurs certaines marques le font). Sachez quand même qu’en terme de médiaplanning, dans de nombreux cas l’annonceur choisit les chaînes mais pas les émissions dans lesquelles il sera diffusé (achat média en GRP garanti) et que c’est encore plus obscur dans le cas de la vidéo online. Mais oublions ce détail un instant, pour en revenir à un débat qui est loin d’être nouveau : s’il y a tant de gens pour regarder et aimer, si ces personnes – qui accessoirement sont dans votre cible – continuent de regarder l’émission, qui êtes-vous pour juger ?… Vos goûts et avis personnels ne comptent pas. Et un plan média est composé de multitudes de spots et d’émissions, c’est leur accumulation et orchestration qui garantit son efficacité.

Lorsque ces bad buzz se sont produits je me suis dit que les responsables de la communication interpellés étaient vraiment pris en tenaille : soit ils ne cédaient pas à la pression des associations activistes et maintenaient leur plan média, mais ils ne savaient pas à quel bad buzz ils s’exposaient. Soit, réellement offusqués ou simplement prudents, ils intervenaient comme on leur demandait. Au risque de paraître opportunistes, tant tout cela ressemblait à du reputation-washing de la part de marques n’ayant aucun précédent de soutien envers la communauté gay. Une bonne vieille situation perdant-perdant quoi.

2ème question : et la séparation édito/pub alors?

Voilà où je veux en venir depuis le début. A ce principe qui depuis que le média est média et que l’annonceur existe est censé garantir l’impartialité de l’info et l’objectivité du journaliste. La séparation entre l’édito et la pub. Alors, vous me direz que quand on parle de Hanouna, du journalisme il y en a peu, voire point. Et quand on parle de Webedia encore moins ; et vous aurez parfaitement raison. Mais quand même. Il y a un truc qui me gêne vraiment chaque fois que je vois un Twittos, derrière son écran et son pseudo, haranguer des marques pour leur demander de faire pression avec leur porte-monnaie sur des médias qui ne parlent pas comme il pense qu’ils devraient parler. Ce n’est pas aux grandes entreprises de ce monde de décider quel contenu rédactionnel a droit ou non de vie sur les écrans ! C’est l’audimat d’une part – désolée mais c’est ainsi que le système fonctionne – et les instances régulatives d’autre part, dont le rôle est de réguler, contrôler et sanctionner. Voulons-nous d’un petit écran où Whiskas, Ariel et Sport-Elec auraient droit de vie ou de mort sur Télématin ? (mouarf). Voulons-nous que Carrefour puisse empêcher des enquêtes d’investigation type Cash Investigation à coups de millions retirés ?… oh, wait…

Non mais sérieusement faisons gaffe non ? Là dans le cas de Webedia ou Hanouna on est plutôt tous d’accord… Mais qui dit que ce sera toujours le cas ?
Que les activistes agissent oui, bien sûr, c’est important et salutaire ! Mais qu’ils s’adressent aux instances régulatives non ? Peut-être moins réactif mais tellement plus… démocratique ? En tous cas c’est ce qu’il me semble.
Vos réflexions et contributions sont les bienvenus, n’hésitez pas et surtout, restez cools.

Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. Nat dit :

    Hello,
    Je vais exagérer mais
    -Ça me paraît compliqué de mettre en avant un ensemble de valeur au sein d’une entreprise, et de ne plus en tenir compte avec ses partenaires. Je serai fier que tu nous dises qu’ on ne travaille plus avec un partenaire parce qu’on se rend compte qu’on a pas les même valeurs. Si demain tu considères que l’audience du fn c’est notre cible, ça m emmerde.
    -en terme philosophique je crois que la question a deja ete regle, ne pas se positionner, c’est déjà se positionner.
    -Après, des exemples passés ou présents d’entreprises associées aux mauvaises personnes (jusqu a un état totalitaire), on a déjà vu que ça n’empêche pas les entreprises de prospérer.

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