Le web social chez Bouygues Telecom – partie 1

En octobre dernier, j’ai rencontré Tanguy Moillard, responsable du web social chez Bouygues Telecom. Il a partagé avec moi l’épopée qu’a été la naissance du social dans l’entreprise et ce qui le structure aujourd’hui, et a eu la gentillesse de me permettre de le partager avec vous. Historique d’un job qui s’invente sans mode d’emploi et en avançant.

Son parcours
Tanguy Moillard
Tanguy a fait toute sa carrière chez Bouygues Télécom. En 10 années, il a eu le temps de passer par de nombreuses fonctions au sein du service marketing (des médias à la communication, du national à l’international, sur la marque mère ou des marques filles comme Universal Mobile…).

Petit à petit l’envie d’essayer autre chose le titille, et plusieurs fois il exprime le souhait d’intégrer l’équipe digitale. Un jour, la proposition tombe : ‘on tente un nouveau truc, toi qui voulais faire du digital c’est pour toi’. Ce « nouveau truc », c’est les médias sociaux. On est en 2010. A l’époque, les marques commencent à peine à investir le réseau. Personne n’y connaît ou n’y comprend grand chose, ni les marques, ni les agences, … ni Tanguy. Chacun essaie et tâtonne, définissant des best practices au fur et à mesure.

Tanguy démarre au sein d’une équipe de 3 personnes : lui-même, un responsable comm-médias, et un blogger geek confirmé. Sa seule guideline, reçue du directeur du web : ‘on n’est là pour faire de la vente, ça c’est le job du site; sur les réseaux sociaux on veut travailler la relation à la marque.’

Les débuts de Bouygues sur les réseaux sociaux

Pour démarrer, Tanguy commence par se poser les questions basiques et incontournables : mais au fait, qui viendrait liker la page Facebook de ma marque ? Et de quoi je vais bien pouvoir leur parler ? Il se dit qu’à priori les intéressés en premier chef seront les clients, et qu’avec une marque positionnée « N°1 de la relation client », il y a un fil conducteur à creuser.

En l’absence de ligne éditoriale détaillée et sans budget alloué, Tanguy commence par creuser le site de la marque. FAQ, services clients, etc, il découvre de nombreux contenus qui sont autant d’éléments intéressants ou utiles et pas forcément relayés en média. Ce sera la matière première au départ.

Très vite, et même si au départ les abonnés ne sont que 500, l’équipe comprend qu’il se passe quelque chose d’intéressant dans le dialogue qui s’instaure avec les fans. Les questions et commentaires se suivent et ne se ressemblent pas : d’une question produit à une plainte réseau, d’un poke prix à ce commentaire d’un écolo sur l’éclairage de la tour Bouygues la nuit. Au bout de 15 jours seulement, Tanguy constate que le champ des sujets est vaste, trop vaste pour sa petite équipe. Il commence à tisser en interne un réseau d’experts prêts à lui venir en aide pour les questions qui le dépassent. Le fait que Tanguy soit un « ancien » de la boîte avec un réseau constitué en interne lui est d’une grande aide dans cette démarche (même remarque et avantage que dans l’équipe relation client chez Décathlon).

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Tanguy et son équipe prennent le temps de répondre à tout le monde (même peut-être trop), de chercher l’info, y mettant du cœur et un supplément d’âme, développant une tonalité chaleureuse, parfois humoristique, tout en sachant rester à leur place dans un secteur où, on le sait, la plainte est facile et le troll prompt à dégainer. Tanguy incarne la marque, signe les posts de son prénom et réalise très vite l’importance du storytelling : face à un client mécontent d’une panne de réseau par exemple, un post avec une photo d’un réparateur sur le terrain permet de faire prendre conscience aux gens que derrière les soucis techniques, il y a des hommes et des femmes physiquement en train de réparer le problème. A l’ère des centres d’appels et des emails standardisés, cette incarnation permet d’humaniser la marque et de remettre en perspective la virulence de certains.
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La page s’installe et assez vite, il est clair qu’une des fonctions et vertus principales des réseaux sociaux c’est le service client. Il approche donc l’équipe relation client et leur propose de travailler ensemble pour répondre encore mieux et plus vite aux personnes qui interpellent la marque sur ces médias. L’équipe est partante et rapidement des conseillers seniors sont formés pour répondre eux aussi directement aux internautes. Une évolution bien logique et naturelle, qui permet également de décharger l’équipe fondatrice de plus en plus débordée par le développement des pages.

Les 2 piliers fondamentaux de la stratégie de Bouygues sont posés : storytelling de marque et relation client.

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Tempête au pays de la téléphonie : le lancement de Free mobile

Alors que tout s’enclenche bien, que la marque remporte un véritable succès populaire avec sa websérie « Les Dumas », un pavé dans la mare atterrit début 2012 : le lancement de l’offre mobile Free à 2 euros.

C’est un feuilleton digne de Dallas qui démarre alors. Une campagne de dénigrement, dans laquelle les clients sont notamment comparés à des pigeons que les opérateurs historiques plument. Orange, SFR et Bouygues sont attaqués par des trolls aux propos d’une grande violence. Chez Bouygues, de 800 commentaires environ par jour on passera, pendant 3 à 4 semaines, à 5000. Les clients sont furieux et demandent des comptes aux marques, créent des Tumblers où ils expriment leur colère (dont il est difficile de retrouver la trace aujourd’hui).

Face à ce déferlement, et pour couper court à cette vague de haine, Orange et SFR choisiront de fermer les commentaires de leurs réseaux sociaux. Pour l’équipe Bouygues, c’est in-envisageable « On est la marque de la relation client, on ne peut pas refuser de discuter avec nos consommateurs ou prospects, même s’ils sont en colère, même quand ils nous insultent ». Dès le démarrage de la crise, Tanguy prévient sa direction qu’il n’a pas l’intention de fermer les commentaires de la page Facebook Bouygues – celle-ci le suit. Il décrit ensuite, avec le flegme qui le caractérise, ses nuits passées à répondre à ces détracteurs démultipliés, entre 2 biberons donnés à ses jumeaux qui viennent de naître. A l’écouter, cela paraît surréaliste. A vivre, nul doute que cela le fut !
Le ras-de-marée médiatique finit par se calmer et Tanguy devient pendant un temps le community manager que l’on cite en exemple dans les histoires de bad buzz. En interne, beaucoup admirent sa ténacité et la manière dont lui et son équipe ont pris la défense de la marque. N’oublions pas que les salariés de Bouygues étaient accusés d’être des voleurs et des profiteurs. Jamais agréable à vivre, surtout quand on est attaché à son entreprise. Les salariés découvrent leurs réseaux sociaux, cet endroit où l’entreprise est défendue, non seulement par les community managers mais aussi par des « fans » de la marque.
Capture d’écran 2015-04-08 à 21.39.34 Commentaires page Facebook 2012

Et oui, c’est aussi à ça que sert une communauté de marque.

Lundi, suite de l’aventure du web social chez Bouygues avec le lancement des Woobees, ces ambassadeurs de la Marque recrutés en interne, et le troisième pilier du web social chez Bouygues. Stay tuned.

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